MASQUE DE GROSSESSE – MELASMA et PIGMENTATIONS du VISAGE Pas de LASER en première intention Dr Hervé VAN LANDUYT CHU Besançon Asfoder 2013
I – DIAGNOSTIC
Du grec ‘’mélas : noir’’, le mélasma ou Masque de grossesse est une pigmentation hormonale qui n’est pas réservée qu’à la femme enceinte.
Le diagnostic clinique du mélasma ne pose pas de véritable problème.
Il s’agit d’une pigmentation excessive au niveau du visage. Le front, les tempes, les joues et le dessus de la lèvre supérieure sont plus particulièrement touchés. Le décolleté peut être également concerné.
Les pigmentations peuveut être brunes ou bleu-gris, aux contours irréguliers.
On observe parfois des mélasma associés à d’autres pigmentations .
Les femmes sont plus touchées, en particulier les phototypes foncés.
L’examen clinique, l’observation en lumière de Wood et la biopsie permettent de déterminer le type de Mélasma : 3 types : épidermique, dermique et mixte. Cette distinction est remise en cause car la plupart des mélasmas sont d’emblée dermoépidermiques.
La prise en charge et le pronostic sont différents, la forme dermique étant la plus difficile à prendre en charge.
II – PHYSIOPATHOGENIES
La physiopathologie du mélasma reste encore mal connue.
Le mélasma survient sur un terrain génétique favorable. Il est déclenché par le soleil, les variations des hormones sexuelles, œstrogène et progestérone. Il touche plus souvent les phototypes foncés.
L’agent coupable : le mélanocyte qui est en hyperfonctionnement, responsable d’une hypermélaninose fonctionnelle dans l’épiderme ou le derme à type d’incontinence pigmentaire. Les eumélanines sont responsables de la couleur foncée de la peau.
Cet hyperfonctionnement survient dans le cadre d’un terrain génétique (antécédents familiaux, phototype, rôle du gène MC1R …), d’un climat hormonal favorable (œstrogène et progestatif dans le cadre de la grossesse, parfois de la prise d’un contraceptif de type oestroprogestatif) et d’un agent détonnant : le soleil (les UV)
Des études récentes ont montré que comparées à la peau saine péri lésionnelle, les lésions de mélasma ont non seulement plus de pigmentation mais ont aussi une augmentation de la vascularisation et de l’élastose. Les approches thérapeutiques actuelles ne ciblent que l’hyperpigmentation. L’utilisation d’un laser à colorant pulsé (LCP) pourrait également traiter la vascularisation mais aussi, au moins partiellement, l’élastose
III – TRAITEMENTS
La prise en charge des mélasma est difficile. Il faut associer les différents traitements
Il faut informer le patient de la difficulté et de la longue durée des traitements
Les formes dermiques plus sombres, bleutées, anciennes sont de mauvais pronostics
L’objectif thérapeutique est triple : éliminer les cellules chargées en pigments, stopper la pigmentation sans créer d’inflammation et éviter la récidive.
Il faut bannir les traitements trop agressifs sources d’hyperpigmentation réactionnelle (peeling, laser) ou parfois de dépigmentations irréversibles (peeling, laser)
Soins dépigmentants : leur objectif : agir en profondeur pour freiner la mélanogenèse et éliminer les cellules chargées en pigments.
La plupart des molécules ont pour cible la tyrosinase (blocage)
Les molécules proposées sont nombreuses : trétinoine, a. azélaique, a. kojique, la vitamine C … (non exhaustifs). Elles agissent à des niveaux différents de la synthèse de la mélanine (schéma 1), d’où l’intérêt de les utiliser en association et/ou en alternance.
La molécule de référence est l’hydroquinone qui a été rapidement proposée en association avec d’autres molécules. C’est un puissant inhibiteur de la tyrosinase.
La formule de référence déjà ancienne est celle de Kligman. L’hydroquinone est cependant reconnue toxique. Depuis 2000, une directive Européenne interdit son usage dans tous les produits cosmétiques. Actuellement on peut encore proposer cette molécule sous forme de préparation médicale à but thérapeutique sous la responsabilité exclusive du prescripteur et du pharmacien ayant exécuté la préparation.
A noter que l’on trouve encore de l’hydroquinone à une concentration de moins de 0,3% dans certains produits capillaires.
Les concentrations entre 2 % et 5 % sont les plus courantes et ont un rapport bénéfice/ risque intéressant.
Une surveillance stricte est nécessaire et l’utilisation prolongée est à éviter, surtout sur les phototypes foncés.
Il existe aujourd’hui des formules qui avec des excipients spécifiques hydrophiles rendent la préparation plus stable. La préparation doit être conservée au froid.
La présence d’acide rétinoique contre-indique son utilisation chez la femme enceinte
On peut proposer la préparation de Kligman le soir et un autre agent dépigmentant le matin : a kojique ou vitamine C stabilisée.
Des dérivés moins toxiques extraits des végétaux (arbutine : hydroquinone-beta-D-glucopyranoside) sont actuellement proposés en association avec d’autres dépigmentants dans des produits cosmétiques.
Peelings chimiques les deux produits les plus utilisés sont l’acide glycolique et l’acide trichloracétique à des concentrations variables. Le peeling au phénol ne doit plus être proposé dans cette indication.
On peut observer un éclaircissement rapide en quelques jours (exfoliation superficielle) mais la récidive est très souvent rapide à type d’hyperpigmentations post inflammatoires.
Ils ne doivent plus être proposés seuls.
LASERS : Ils ne doivent plus être proposés en première intention, ni être proposés seuls.
La cible est le mélanosome. Si l’on se réfère à la théorie (photothermolyse sélective) avec comme chromophore la mélanine des mélanosomes, les lasers les plus adéquats pour traiter le mélasma sont les lasers en mode déclenché dits « Q-Switch » qui émettent des impulsions dans le domaine de la nanoseconde (TRT du mélanosome de l’ordre de 10 ms) .
La longueur d’onde : il faut trouver un compromis entre l’absorption de la cible et la profondeur de pénétration pour les pigmentations profondes (ex. un YAG QS 1064 pénètre plus loin qu’une IPL à 650)
Comme souvent avec les lasers tout est alors question de compromis …
On retrouve dans la littérature des publications signalant leur efficacité mais elles sont toutes critiquables par le faible nombre de patients, des résultats discutables et le manque de recul. Dans ces études, deux types de lasers sont utilisés les lasers QS YAG 1064 avec des fluences faibles et les lasers fractionnés.
Etonnement, la plupart des études favorables sont issues de la littérature asiatique et ne peut être reproduites sur des patients caucasiens européens. Le mélasma européen est il superposable au mélasma des patients asiatiques ? La patiente asiatique ne serait elle plus vigilante vis-à-vis de la protection solaire ? D’autres études rapportent des effets secondaires à type de dépigmentations et de cicatrices …
Devant les nouvelles théories vasculaires, un traitement ‘’doux’’ par laser vasculaire
type colorant pulsé pourrait être proposé pour traiter la composante vasculaire et l’élastose. Les premières études semblent encourageantes. Il faut attendre des plus grandes séries pour conclure.
Les lasers ne doivent plus être proposé seuls et en première intention. Le dermatologue occupe une place fondamentale pour faire éviter ce piège à son patient.
Protection solaire : c’est un des points fondamentaux pour limiter l’aggravation et éviter une récidive rapide
Une protection vestimentaire CHAPEAU tous les jours été comme hiver pendant plusieurs mois (plusieurs années) s’impose. Les protections solaires IP 50 + seront proposées en complément au rythme de toutes les heures tous les jours été comme hiver. Elles ne servent qu’à limiter les UV en réverbération (sable, eau, pierre …)
Certains auteurs évoquent également un rôle aggravant de la lumière visible. Il serait donc préférable de proposer des écrans minéraux. Ils peuvent être teintés pour améliorer l’observance.
De nombreux patients constatent une amélioration hivernale et une récidive rapide dès les premières expositions solaires ‘’involontaires’’ du printemps.
Dans le même cadre, il faut bannir les parfums et les produits parfumés sur la peau.
La protection solaire ‘’stricte’’ nous semble également la meilleure prévention.
Elle doit être prolongée même après un résultat satisfaisant surtout au moment des premières expositions faussement rassurantes du printemps.
Il faut prendre de temps d’expliquer la notion du bronzage passif ou le notion de l’exposition involontaire (déplacements, jardinage et travaux extérieurs ..)
( www.asfoder.net/site ou Google -> Asfoder : Bronzage passif)
Contraception dans le cadre des hypothèses de la physiopathologie, il semblerait préférable de proposer une contraception sans OP (stérilet cuivre) ou la plus faiblement dosée en oestroprogestatifs. Les microprogestaifs peuvent être proposés. A l’inverse, il ne faut cependant plus interdire un OP adapté si la patiente doit ou veut prendre un OP.
Maquillage couvrant : il ne doit être négligé. Il est d’autant plus intéressant si on propose des produits incorporants des protections solaires avec des hauts indices avec des écrans minéraux (IP 30 à 50 +) Ils doivent être renouvelés plusieurs fois par jour. Ils ne remplacent par la protection vestimentaire par un chapeau à bord large.
CONCLUSION :
Le diagnostic clinique du Mélasma est facile, mais la prise en charge thérapeutique est difficile. La physiopathogènie n’est pas encore parfaitement connue (composante génétique, climat hormonal, exposition solaire …)
À l’issue de cette consultation longue et minutieuse, il est possible de porter un pronostic et de choisir un traitement dépigmentant approprié (mélasma de type épidermique), mais aussi de décider de ne pas traiter (mélasma de type dermique) et de se contenter de la prescription d’un camouflage. Dans l’éventualité d’un mélasma de type dermique, il faut éviter à tout prix l’acharnement thérapeutique qui aboutit trop souvent à des résultats catastrophiques avec aggravation de l’état initial.
Le laser ne doit plus être proposé en première intention. Le dermatologue clinicien occupe une place fondamentale pour orienter son patient et proposer le meilleur schéma thérapeutique.
Il faut, selon le type de mélasma proposer des associations thérapeutiques et accompagner le patient pendant de nombreux mois. Il faut insister sur la protection solaire stricte (écran minéraux) pendant de nombreux mois, été comme hiver même après la ‘’guérison’’.
Texte sans l’iconographie d’un article extrait de Dermatologie Pratique octobre 2012 (LEN Médical) Remerciements à la rédaction pour nous avoir autoriser de le placer sur notre site. .
Mélasma Article Presse Médicale : melasma-article-van-landuyt-2012
Revue de la littérature 2017 : Mélasma Revue des traitements SFD laser Novembre 2017